21 octobre 1993 et le 3e mandat, quand un Pierre peut en cacher un autre !

21 octobre 1993 et le 3e mandatC’est dans la consternation générale et la confusion totale que le Burundi commémore ce 21 octobre 2015, l’assassinat du Président Melchior Ndadaye, démocratiquement élu.

C’est la consternation générale, parce que 22 ans après, la violence engendrée par ce putsch inutile et stupide, continue toujours et monte aujourd’hui d’un cran. C’est la confusion totale, parce que 22 ans après, les véritables commanditaires de ce crime ignoble ne sont pas encore inquiétés par les instances judiciaires, nationales ou internationales ! Ce 21 octobre 2015, c’est aussi la célébration de la mémoire de tous les burundais, de tous les horizons, sans aucune distinction, sauvagement massacrés à cause justement de ce coup d’Etat de trop. En 22 ans d’impunité, ce n’est pas moins de 600 000 morts, toutes ethnies confondues, selon certaines sources, indépendantes et crédibles ! Mais en quoi l’assassinat du Président Melchior Ndadaye et le 3e mandat illégal, illégitime et terroriste de Pierre Nkurunziza sont identiques ?

Le Palipehutu accule le Candidat Melchior Ndadaye

Il faut rappeler qu’avant les élections présidentielles et législatives de juin 1993, le parti Sahwanya-Frodebu était très confiant de ses victoires. Pour le candidat Melchior Ndadaye et ses compagnons de lutte, il n’y avait aucun doute sur leur carton plein ! Même leur slogan électoral ne faisait aucune équivoque : « la victoire est cash ou catch ! » En plus de cela, le Sahwanya-Frodebu s’était préparé à toutes les éventualités. Son plan B, en cas de hold-up électoral de l’Uprona, consistait à récupérer leurs victoires, par la violence s’il le faut. Sur un autre cliché, c’est en grande partie le Palipehutu qui avait porté triomphalement Melchior Ndadaye au pouvoir et il ne devrait pas accepter aucune concession à un pouvoir qu’il qualifiait de « monoéthnique tutsi et de Bururi. » Toutes ses batteries étaient donc en marche en vue de gravir « démocratiquement » les escaliers du palais présidentiel.

Ainsi, pour mener sa campagne électorale, au sein de la communauté tutsi, le Sahwanya-Frodebu présentait derrière les rideaux, un programme de se libérer de la dictature des régimes sudistes de Bururi ! Quant aux hutu, le message était aussi divisionniste que révoltant. Il consistait à convaincre cette majorité ethnique que la démocratie signifie qu’ils doivent absolument prendre le pouvoir par les urnes, pour installer au sommet de l’Etat des personnalités hutu. Et en découdre définitivement avec les pouvoirs militaro-tutsi ! Au fait, tous les moyens étaient bons pour saisir l’exigence de La Baule et prendre le pouvoir à Bujumbura. Mais vite, la pression va être insupportable sur les épaules du candidat Melchior Ndadaye. Le palipehutu par exemple l’accule de foncer tout droit et immédiatement vers la présidence de la République. Il est aussi déjà dans la ligne de mire de l’Uprona et son candidat, le Major Pierre Buyoya.

Une manière de toucher sans délais les dividendes politiques de son soutien au Sahwanya-Frodebu. Véritable Homme d’Etat et leader charismatique, le candidat Melchior Ndadaye ne l’entendait pas de cette oreille ! Même s’il était probablement conscient que sans le coup de main du Palipehutu, sa victoire aux prochaines élections ne serait pas aussi évidente. En tout cas, avec la même splendeur. Ainsi, à la tête d’une délégation importante de son parti, le futur président élu du Burundi va rencontrer le dictateur en place et futur adversaire à la présidentielle de juin 1993, le Major Pierre Buyoya, candidat de l’Uprona, ancien parti unique. Il lui propose de repousser les élections de deux ans, le temps d’éduquer les Upronistes et l’armée à permettre une alternance en douceur et pacifiste. Sur un autre plan, permettre aux militants du Sahwanya-Frodebu et leurs partis satellites, de s’habituer progressivement à gérer les affaires de l’Etat, au sommet de celui-ci ! Tout ceci, dans le cadre d’un gouvernement de Transition, de large Union Nationale.

« Chers officiers, prenez vos responsabilités »

En dépit de la qualité patriotique et de la finesse pragmatique de cette proposition, elle va buter sur l’égocentrisme caractérisé et l’imperméabilité de cet officier supérieur des Forces Armées Burundaises (FAB), spécialiste des blindés ! Il veut à tout prix aller vite aux élections et en commençant par la présidentielle ! Infiltré jusqu’à la moelle de ses os, il croit dur comme fer, à sa prochaine victoire électorale, lui qui était entouré par une quincaillerie de courtisans, incapable de le contredire et de lire correctement la météo politico-sécuritaire de l’heure, à l’époque. Sans le savoir, l’Uprona était déjà une coquille vide, vendue au plus fort sans aucun centime : le Sahwanya-Frodebu. Le Major Pierre Buyoya va ainsi partir aux élections, seul contre tous, sans aucune chance de les gagner ni de les frauder. C’est une douche froide qu’il va subir aux urnes, avec une note exclusive pour quitter le palais présidentiel. Un vent de changement va s’abattre radicalement sur le Burundi ! Un véritable « tsunami » électoral aux yeux des upronistes.

Ainsi, le Major Pierre Buyoya, le grand perdant de juin 1993, va être mondialement applaudi comme un vrai démocrate. Un exemple à suivre absolument sur le continent africain. Mais c’était oublier naïvement sa rancune légendaire et sa phobie de perdre tous les avantages liés à l’exercice du pouvoir dans « une république bananière » comme le Burundi, particulièrement l’impunité de ses crimes monstrueux ! Vite, au lendemain de sa défaite historique, le Major Pierre Buyoya va réunir les officiers supérieurs des FAB de la Garnison de Bujumbura, entouré de tout son Etat-Major Général. Dans son discours du jour, il dira en substance qu’il n’a pas perdu les élections parce qu’il avait un mauvais programme, que c’est surtout parce que les burundais ont accepté de confier le pouvoir aux divisionnistes. Pourtant, les FAB avaient officiellement reconnus le verdict des urnes.

Comme conclusion, il dira à ces officiers déboussolés et désemparés, de « prendre leurs responsabilités ! » Dans le jargon militaire, c’est ratisser large contre le nouveau pouvoir. En d’autres mots, préparer un coup d’Etat. Chose qui ne tombera pas dans les oreilles des sourds. Le nouveau président élu va connaitre son baptême de feu, au moins deux fois, avant son investiture officielle, le 10 juillet 1993 au palais des congrès de Kigobe. Pour un mandat de 5 ans (1993 – 1998), le Président Melchior Ndadaye ne gouvernera que 102 jours seulement. L’irréparable sera commis le 21 octobre 1993. La suite on la connait, inutile d’y revenir. Mais ce qui est révoltant et ridicule pour le Major Pierre Buyoya, depuis ce fatidique coup d’Etat contre le Président Melchior Ndadaye, il va tout faire pour consolider son impunité, en écartant les obstacles susceptibles de l’empecher d’atteindre son objectif.

Prolonger le contrat de servilité

Ainsi, dans un premier temps, il va dire que c’est le Président Jean-Baptiste Bagaza, récemment rentré de son exil, qui a commandité ce putsch contre des institutions démocratiques et légales ! Il faut signaler que le patron de la 3e république a toujours craint et eu une peur chronique vis-à-vis du Président Jean-Baptiste Bagaza, de ses proches et de son parti politique, le Parena (Parti pour le Redressement National). C’est d’ailleurs pour ces raisons que les bagazistes étaient systématiquement devenus des candidats permanents à l’assassinat politique, à l’exil ou à la prison. Un véritable fonds de commerce pour les services secrets du Major Pierre Buyoya et leurs mouchards ! Il faudra d’ailleurs savoir que parmi les principaux mobiles du coup d’Etat du 21 octobre 1993, il y a le retour au pays du Président Jean-Baptiste Bagaza. Une décision facilitée par le Président Melchior Ndadaye et ses plus proches collaborateurs. Ces derniers ne seront jamais pardonnés par le Major Pierre Buyoya pour cette carte de réconciliation nationale.

Heureusement que cette mayonnaise n’a pas pris. Le Major Pierre Buyoya va progressivement être reconnu comme étant le cerveau de ce coup d’Etat. Tous les témoignages recueillis par les principaux acteurs de cette opération sont unanimes sur ce point. D’ailleurs, ceux qui n’accepteront pas de garder ce secret de polichinelle vont systématiquement et progressivement tombés sous les balles des « inconnus en tenues militaires, » des « bandes armées, » périr dans des accidents de circulation ou tomber sous le coup d’empoisonnement. Au moins une cinquantaine de crimes sont signés sous ce label par cette «nébuleuse » aux masques transparents ! Ses principaux complices dans ce coup d’Etat vont se retrouver au parlement, au gouvernement ou « parachuter » dans des organisations internationales, pistonnés justement par le Major Pierre Buyoya en personne ! Une façon d’acheter leur silence et prolonger leur contrat de servilité !

Les mêmes méthodes staliniennes

Certes, au niveau qualitatif et politique, il serait injuste de comparer le Major Pierre Buyoya au « Commandant » Pierre Nkurunziza. L’un c’est un joueur de la première division, l’autre végète dans les tournois interquartiers ! Mais les deux despotes utilisent presque les mêmes méthodes staliennes pour s’imposer et conserver leur pouvoir. En toute illégalité et en agissant dans l’ombre. Ils dissimulent difficilement leur égocentrisme politique dans la gestion des affaires de l’Etat. Ils n’hésitent pas de sacrifier des dizaines d’innocents, uniquement pour liquider un ou deux individus qui menacent sérieusement leur pouvoir. En fréquentant régulièrement les Eglises, ils font recours aux sorciers de tous acabits. Ceci pour augmenter leur puissance et leur invulnérabilité à la magistrature suprême ! Ils savent manipuler l’opinion, utiliser les médias de l’Etat, instrumentaliser la Justice et appuyer sur le terrorisme d’Etat. Notamment pour humilier et neutraliser leurs opposants potentiels ou déclarés.

C’est aussi très difficile de les rendre flexible et conciliant, en leur présentant des conseils constructifs et bâtisseurs ! Ils ont un goût illimité et démesuré pour le pouvoir et l’argent, sans considérer leur provenance, propre ou sale ! Ce sont des spécialistes chevronnés dans la création de leurs singes, de leurs perroquets et de leurs « idiots utiles. » Ils n’hésitent pas de les jeter dans la poubelle et dans les oubliettes de l’Histoire, quand ils n’ont plus besoin d’eux, après tant de services rendus ! Ils chantent tous la Paix, l’Unité et le Développement, alors qu’ils font tout pour diviser la population, utiliser la violence comme méthode de gouvernement et détruire systématiquement l’Economie nationale. Bref, un Pierre peut en cacher un autre ! Et ce qui est très grave, criminel et imprescriptible, ils ne se soucient guère du reste de la population et de leur patrie ! Tout est permis, à condition d’y tirer leur butin !

Le Sahwanya-Frodebu n’a jamais dirigé le Burundi

En définitive, le coup d’Etat du 21 octobre 1993, aura été une recette imaginée par la quincaillerie du Major Pierre Buyoya pour arrêter brutalement le processus démocratique au Burundi. Ce qui enterre automatiquement la notion de compétence et de responsabilité dans les affaires gouvernementales. Avec ce coup d’Etat, le Major Pierre Buyoya va s’illustrer comme le véritable Maitre du pays, un despote en superpuissance ! Il faut aujourd’hui reconnaitre que le Sahwanya-Frodebu n’a jamais dirigé ce pays. A part le Président Melchior Ndadaye, ses successeurs, l’éphémère Cyprien Ntaryamira et le ligoté Sylvestre Ntibantunganya étaient des marionnettes, d’un cirque mis en scène par les commanditaires du coup d’Etat du 21 octobre 1993.

C’est d’ailleurs pour cette raison que le Major Pierre Buyoya décida d’assumer ouvertement son coup du 21 octobre 1993, par celui du 25 juillet 1996. Uniquement pour contrer la révolution populaire et pacifiste, initiée par le Président Jean-Baptiste Bagaza, sous les couleurs du Parena. Une révolution qui allait mettre sur tapis et hors d’état de nuire, tous les véritables putschistes du 21 octobre 1993. Il aura fallu attendre la signature de l’Accord de Paix d’Arusha, pour que le Major Pierre Buyoya soit envoyé manu militari dans les vestiaires de l’arène politique burundaise. C’est la même recette que veut utiliser le despote Pierre Nkurunziza, en acceptant avec une ambiguïté extraordinaire, le principe des négociations inclusives avec toutes les forces politiques et la société civile de ce pays.

Les pires crimes de l’ère républicaine au Burundi

Faisant ainsi, semblant d’oublier que ce 3e mandat reste illégal, illégitime et terroriste. C’est une manière de jouer le chrono, tout en s’éternisant au pouvoir. Avec en toile de fond, négocier son impunité et sa petite porte de sortie, plus ou moins sécurisée. Une stratégie politicienne qui ne devrait pas aveugler les burundais, particulièrement ceux qui luttent vaillamment contre ce 3e mandat de tous les crimes inimaginables sur terre, au ciel et dans les ténèbres ! Reste à savoir si le despote Pierre Nkurunziza pourra partir de son propre gré ou par force ? Quoi qu’il en soit, le coup d’Etat du 21 octobre 1993 et ce 3e mandat du despote Pierre Nkurunziza, resteront pour longtemps encore, les pires crimes de l’ère « démocratique » au Burundi ! Commis par deux personnalités politiques ayant le même prénom, Pierre, la Bible nous rappelle que c’est un apôtre du même nom qui a renié Jésus-Christ de Nazareth, avant qu’il ne soit crucifié sur la croix ! Pire coïncidence et fait du hasard !

Mais l’Histoire politique burundaise, retiendra, pour les générations futures, que nos deux Pierre seront catalogués parmi les dirigeants les plus atypiques du Burundi, depuis sa création, par le Roi Ntare Rushatsi Cambarantama, en 1680. En tout cas, des exemples à ne plus suivre dans les prochains gouvernements burundais !

Thierry Ndayishimiye

5 réflexions sur “21 octobre 1993 et le 3e mandat, quand un Pierre peut en cacher un autre !

  1. Rien à ajouter,…tout est dit. Mais pour l’histoire du prénom, ça doit être juste une coïncidence.Pour la suite, le monde et le Burundi n’ont pas encore dit leur dernier mot et je fais parti de ceux qui croient que Dieu et Juste et aime les Burundais ou tout simplement ses créatures.Pour ce qui est de nos martyres du passé ou du présent,…tumenye ko gupfa ataruguhemuka, c’est la fin de tout en chacun (=tout âme goutera à la mort),….ikibi nugupfa uhemutse.A cette date là en 1993,…j’étais au collège »Lycée » de Buye en province Ngozi où je venais d’être orienté en 3è L M. Personne ne témoigne ou personne n’a témoigné,….pour moi, tous ceux et celles qui étaient à ce Lycée en cette date là (toutes ethnies confondues),….on est des rescapés.D’ailleurs de passage, je salue le patriotisme et le courage de ce directeur et du préfet des études de l’époque dans leur gestion de la situation, sans oublier bien évidemment ces militaires qui sont arrivés à temps.Sachez qu’il y a une personne quelque part qui reconnait vos efforts dans la gestion de la crise.

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